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Une injustice aveugle
Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1914, alors qu’il guettait à son poste de tranchée sur le plateau, Leymarie se blessa légèrement à l’index de la main gauche. Un bobo de rien. Mais, deux heures plus tard, sur l’insistance de ses camarades, il se rendit à l’ambulance. Malheur à lui ! Le major n’y alla pas par quatre chemins : « tu t’es fait ça pour être évacué ! Pas d’histoire! ». « Le mutilé volontaire » fut traduit le jour même devant la cour martiale à Saint-Bandry. Son défenseur ne put le voir que dix minutes et ne trouva qu’un vague certificat médical signé illisiblement dans le dossier. Peu importait. Il était déjà coupable comme avaient dû en décider le colonel Andlauer qui présidait et le lieutenant Achalme qui, comme pour les fusillés de Vingré, était chargé d’accuser. Leymarie clama son innocence avec l’énergie du désespoir : « c’est en enlevant un peu de terre sur le créneau pour replacer mon fusil que je me suis blessé ! » Un voisin de tranchée confirmera mais la sentence était prête : « condamné à mort ! ». Le défenseur demanda la grâce au colonel qui répondit sèchement : « Il y a trop de mutilations. Il faut des exemples ». Contacté, le général de division s’en lava les mains avec un : « Je ne peux aller contre l’opinion de cinq officiers ».
Pour sa défense, Leymarie écrivit : « Je jure devandieux que je suis innocan… J’ai fait mon devoir et j’ai servi avec amour et fidélité… ». Reconduit à Port-Fontenoy, il apprit la sentence de la bouche de l’abbé Rochins, car ses juges n’avaient pas osé la prononcer devant lui. Et, dans la matinée du 12, avant d’être attaché au poteau en bordure de la route, il arracha son bandeau en criant : « Il n’y a que les lâches qui se laissent bander les yeux. Moi, je suis innocent ! » En carré, les camarades de Léonard assistèrent, impuissants au meurtre mais, pendant longtemps, on trouva de nombreuses inscriptions « Andlauer est un assassin ». Comme pour les fusillés de Vingré la Ligue des droits de l’homme entama les démarches très longues et difficiles pour que la réhabilitation du soldat Leymarie fût prononcée après la guerre.

Le pantalon rouge
Hélas, il y eut des dizaines de cas semblables parce que les généraux voulaient renforcer la discipline par tous les moyens, Le soldat Bersot en fit également la triste expérience à Fontenoy.
Employé de commerce à Besançon, Bersot était arrivé avec le 60ème R.I. le 31 janvier 1915 pour prendre position à Fontenoy. C’était un soldat comme les autres avec pour seule originalité celle de porter une salopette blanche où il y avait plus de trous que d’étoffe. Un beau jour, irrité et transi, il alla voir le sergent pour lui demander un autre pantalon. On lui tendit alors une culotte rouge, froissée, salie… dont on venait de dépouiller un mort Bersot refusa de porter ce pantalon ensanglanté… Et sur ordre du lieutenant, on lui infligea huit jours de prison pour « refus d’obéissance devant l’ennemi ». Mais le colonel ne l’entendit pas de cette oreille car le motif était suffisant pour envoyer Bersot devant la cour martiale. Deux soldats qui avaient demandé au lieutenant de changer son motif furent aussi traduits devant le conseil de guerre. Celui-ci présidé par le colonel Auroux, juge et partie, se réunit dans une cagna près du château des Mardansons le 12 février à 3 heures de l’après-midi. Les débats ne traînèrent pas en longueur. Après une parodie de justice, Bersot fut condamné à mort tandis que ses deux amis écopèrent de six ans de travaux forcés. Dans la cave qui lui servit de geôle, Bersot passa la nuit à appeler sa femme et sa fille à grands cris. A l’aube, le peloton l’emmena à cent mètres des Mardansons, dans une cour de ferme, pour le lier au poteau. Et, avant que les balles ne crépitent, Bersot cria « Marie-Louise », le prénom de sa petite fille.
Son corps fut enterré en dehors du cimetière et défense fut faite d’aller sur sa tombe et de prononcer son nom. Malgré cela, pendant la nuit, son ami Journiac, boucher à Besançon, alla planter une croix et entourer la tombe du malheureux. Alors que les responsables de ce nouveau meurtre semblaient avoir la conscience tranquille, la cour suprême réhabilita Bersot le 12 juillet 1922 et flétrit ses assassins. Et après bien des difficultés, Mme. Bersot put faire ramener le corps de son époux à Besançon où la ville organisa des obsèques solennelles.