Le 11 novembre 1918, lorsque l’armistice fut signé à Rethondes, Fontenoy était libéré depuis le 18 juillet. Peu à peu, les habitants, qui avaient dû évacuer en 1914 et le 31 mai 18 (pour ceux qui étaient revenus en février de la même année) retrouvèrent leur village… Ou tout au moins ce qui en restait.
L’église n’était plus qu’un énorme tas de pierres sur lequel flottait le drapeau français. Seules quelques maisons avaient été épargnées comme la mairie-école blottie dans un angle mort pour l’artillerie. Les pentes des coteaux étaient dénudées avec des arbres aux troncs squelettiques. Partout, sur la terre, s’élevaient des croix de bois, signes de tombes isolées ou de petits cimetières. Parfois, au bord de la route, des obus étaient entreposés, plus ou moins abandonnés en attendant qu’on vienne les chercher.
Les Indochinois furent alors chargés d’exhumer les corps des soldats morts réclamés par les familles ou transférés au cimetière national de Bois Robert à Ambleny. Quelques tombes restèrent en place par hasard comme celle du plateau où, blottie dans les haies, repose Joseph Chapier cycliste au 238ème R.I. de Saint-Etienne, mort le 16 septembre 1914 dans sa 30ème année.
Les hommes revinrent les premiers comme le frère de Luce Lefèvre qui, tout en habitant dans une cave bâchée, construisit rapidement une toute petite maison à Port. « Et, ajoute Luce, dès que les trains ont refonctionné, nous sommes revenus nous installer dans ces deux pièces. C’était le luxe car beaucoup n’avaient que des baraques. Des maisons provisoires préfabriquées avec trois pièces. Et des murs et un toit recouvert de papier bitumé. Les carreaux, c’était du papier huilé ! On les appelait les Villegrain ! »